La responsabilité du professionnel de santé
Lorsqu’un patient subit un dommage à la suite d’un acte médical fautif, il peut, dans certains cas, engager la responsabilité du professionnel de santé.
1. La nature du contrat entre le professionnel de santé et le patient
Il est admis de longue date que la relation qui se crée entre un patient et son médecin est, en principe, de nature contractuelle. La patient est donc lié par un contrat médical avec le médecin lorsqu'il a librement choisi ce dernier.
La relation de nature contractuelle implique, dans le chef du médecin, a une "obligation de soins", ce qui signifie qu'il doit prodiguer au patient des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science; l'article 5 de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient dispose d'ailleurs que "Le patient a droit, de la part du praticien professionnel, à des prestations de qualité répondant à ses besoins et ce, dans le respect de sa dignité humaine et de son autonomie et sans qu'une distinction d'aucune sorte ne soit faite".
Cette obligation est qualifiée d'obligation de moyens qui est "celle en vertu de laquelle le débiteur est tenu de fournir tous les soins d'une personne prudente et raisonnable pour atteinte un certain résultat" (article 5.72, al.1er du Code civil). Autrement dit, "Il ne promet pas que le résultat de son traitement sera la guérison du patient. Il s’engage seulement en tant que médecin scrupuleux et consciencieux à utiliser les données actuelles de la science médicale afin d’obtenir le résultat espéré ou souhaité" (Anvers (1re ch.) 7 mai 2007, Bull. ass. 2008, liv. 2, 193).
Cependant, il existe des situations dans lesquelles il n'existe aucune relation contractuelle entre le médecin et le patient. On pense notamment à l'hypothèse où le patient est pris en charge par le service des urgences d'un hôpital.
Dans ce cas, la nature de la relation entre le médecin et le patient est de nature extracontractuelle.
2. Peut-on engager la responsabilité extracontractuelle d'un professionnel de santé en présence d'un contrat?
Cette question est celle du concours de responsabilités.
Avant la réforme du Code civil et de la publication du Livre 6, la Cour de Cassation autorisait au patient victime d'une faute médicale de choisir entre la responsabilité contractuelle ou la responsabilité extracontractuelle lorsque le manquement reproché était constitutif d'une infraction pénale (Cass. RG 6702, 26 octobre 1990 (Dekimpe / Niels), R.C.J.B. 1992, 497). Or, il arrive souvent que la faute reprochée constitue une infraction pénale (articles 418 et s. du Code pénal).
Le patient avait donc le choix.
Aujourd'hui, le Livre 6 du Code civil consacre, en son article 6.3, § 1er, al.1er, l'ouverture du concours de responsabilités et le choix pour le patient entre la voie contractuelle ou la voie extracontractuelle, ceci sous deux réserves :
- "sauf si la loi ou le contrat en dispose autrement" (article 6.3, § 1er, al.1er), ce qui signifie donc que le législateur ou les parties peuvent exclure la possibilité d'une action extracontractuelle;
- l'article 6.3, § 1er, al.2 prévoit un tempérament : si le patient victime d'une faute médicale opte pour la voie extracontractuelle, le médecin cocontractant pourra invoquer les moyens de défense découlant du contrat, de la législation en matière de contrats spéciaux et des règles particulières de prescription applicables au contrat. Cependant, précise toujours cette disposition, ces moyens de défense ne sont pas opposables aux victimes d'une atteinte à l'intégrité physique ou psychique, ce qui est généralement le cas lorsqu'il existe une faute médicale.
Mais alors, quel intérêt de choisir une voie plutôt que l'autre pour le patient ?
Concrètement, qu'il choisisse une voie ou l'autre, le patient devra démontrer les mêmes conditions (faute, dommage et lien causal).
L'intérêt de ce choix est donc très limité mais peut tout de même avoir des conséquences sur trois aspects :
- éviter une clause d'exonération de responsabilité qui serait reprise dans le contrat, mais ce type de clause - rappelons-le - est réputée non écrite et ne préjudicie donc pas la victime
- la prescription : 10 ans en matière contractuelle / 5 ans en matière extracontractuelle, mais l'article 6.3, §1er, al.2 du Code civil permet d'écarter ce moyen de défense;
- l'intervention de l'assurance protection juridique qui, souvent, exclut sa garantie pour les litiges purement contractuels. C'est sans doute le point le plus important qui déterminera le choix de la voie à prendre.
3. Les conditions de la responsabilité médicale
Pour engager la responsabilité d'un professionnel de la santé, il est nécessaire de rapporter la preuve :
- d'une faute;
- d'un dommage;
- d'un lien causal entre les deux.
Les victimes d'une faute médicale ont souvent tendance à croire que la faute à elle seule suffit pour engager la responsabilité du professionnel de la santé, et oublient les deux autres conditions.
Si en général le dommage est aisé à démontrer, notamment avec l'aide d'un médecin-conseil expert en évaluation du dommage corporel, la preuve du lien causal est plus difficile à démontrer.
Le lien causal revient à se poser la question suivante : est-ce que sans la faute commise par le professionnel de la santé, le dommage se serait produit tel qu'il s'est produit ?
L'article 6.18 §1er du Code civil consacre la théorie de l'équivalence des conditions, admise de longue date par la Cour de Cassation :
"Un fait générateur de responsabilité est la cause d'un dommage s'il est une condition nécessaire de ce dernier. Un fait est une condition nécessaire du dommage si, sans ce fait, le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est produit dans les circonstances concrètes présentes lors de l'événement dommageable.
Si un fait générateur de responsabilité n'est pas une condition nécessaire du dommage pour la seule raison qu'un ou plusieurs autres faits simultanés, ensemble ou séparément, sont une condition suffisante de ce même dommage, il constitue néanmoins une cause de celui-ci".
Autrement dit, on évalue chaque circonstance sans laquelle le fait ne se serait pas produit tel qu'il s'est produit (cause nécessaire) et on les place toutes sur un pied d'égalité.
Le Code civil prévoit toutefois un tempérament au §2 de cette disposition :
"Toutefois, il n'y a pas de responsabilité si le lien entre le fait générateur de responsabilité et le dommage est à ce point distendu qu'il serait manifestement déraisonnable d'imputer ce dommage à la personne dont la responsabilité est invoquée. Dans cette appréciation, il est tenu compte, en particulier, du caractère improbable du dommage au regard des conséquences normales du fait générateur de responsabilité et de la circonstance que ce fait n'a pas contribué de manière significative à la survenance du dommage".
Dans le cadre de la responsabilité médicale, il est particulièrement difficile de démontrer ce lien causal. C'est pour cette raison qu'on invoquait, très souvent, la notion de "perte de chance".
Désormais l'article 6.22 du Code civil parle d'"incertitude causale", le législateur ayant fait choix d'une responsabilité proportionnelle :
"Lorsqu'il n'est pas certain que la faute commise par la personne dont la responsabilité est invoquée est une condition nécessaire du dommage parce que le dommage aurait pu se produire également si cette personne s'était comportée de manière licite plutôt que de commettre une faute, la personne lésée a droit à une réparation partielle en proportion de la probabilité que cette faute ait causé le dommage".
La chance peut porter sur l'obtention d'un avantage ou sur l'évitement d'un dommage.