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La preuve de la faute médicale

Prétendre être victime d'une faute médicale est une chose. Le prouver en est une autre. 

Sur qui repose la charge de la preuve ? Que faut-il prouver? Comment? 

1. Cadre légal

Le droit de la preuve est régi par les articles 8.1 à 8.39 du Code civil et par l'article 870 et les articles 962 à 991 du Code judiciaire, ces derniers étant consacrés à l'expertise. 

2. Que faut-il prouver? 

L'article 8.3 du Code civil dispose que "Hormis les cas où la loi en dispose autrement, les faits ou actes juridiques doivent être prouvés lorsqu'ils sont allégués et contestés".
 
Dans le cadre de la responsabilité médicale, il y a essentiellement lieu de prouver les faits matériels ou juridiques. 
 
On citera, à titre d'exemple : 
 
- l'absence d'information par le professionnel de la santé
- une erreur de diagnostic
- l'utilisation d'un matériel défectueux
- l'absence de consentement du patient
- le dommage
- le lien causal entre le dommage et la faute

3. Sur qui repose la charge de la preuve? 

En droit belge, malgré certaines controverses, il est acquis que la charge de la preuve repose sur la victime. 

L'article 8.4, al.1 à 4 du Code civil dispose en effet que : 

"Celui qui veut faire valoir une prétention en justice doit prouver les actes juridiques ou faits qui la fondent.

Celui qui se prétend libéré doit prouver les actes juridiques ou faits qui soutiennent sa prétention.

Toutes les parties doivent collaborer à l'administration de la preuve.

En cas de doute, celui qui a la charge de prouver les actes juridiques ou faits allégués par lui succombe au procès, sauf si la loi en dispose autrement."

 

Toutefois, l'alinéa 5 prévoit un tempérament qui permet au juge de renverser la charge de la preuve dans certaines circonstances : 

"Le juge peut déterminer, par un jugement spécialement motivé, dans des circonstances exceptionnelles, qui supporte la charge de prouver lorsque l'application des règles énoncées aux alinéas précédents serait manifestement déraisonnable. Le juge ne peut faire usage de cette faculté que s'il a ordonné toutes les mesures d'instruction utiles et a veillé à ce que les parties collaborent à l'administration de la preuve, sans pour autant obtenir de preuve suffisante".

4. Obligation de moyens vs obligation de résultat : quelle incidence sur la preuve? 

La majeure partie du temps, l'obligation qui pèse sur le professionnel de la santé est une obligation de moyens et non une obligation de résultat. 

S'il s'agit d'une obligation de résultat, la charge de la preuve est alors allégée. En effet, l'article 5.72, al.2 du Code civil dispose que l'obligation de résultat est celle en vertu de laquelle le débiteur est tenu d'atteindre un certain résultat. Si le résultat n'est pas atteint, la faute du débiteur est présumée, sauf à démontrer la force majeure. 

En d'autres termes, il suffit au patient de démontrer que le résultat n'a pas été atteint et cette absence de résultat est présumée imputable à une faute du médecin. Il appartient alors à ce dernier de prouver que c'est en raison d'une force majeure qu'il n'a pas pu l'atteindre. 

En revanche, s'il s'agit d'une obligation de moyens, la charge de la preuve qui pèse sur le patient est plus lourde puisqu'il devra prouver la faute, le dommage et le lien causal. Il n'y a, dans ce cas, aucune présomption découlant du fait que le résultat espéré n'a pas été atteint. 

5. La collaboration de toutes les parties à la charge de la preuve 

Comme indiqué ci-dessus, l'article 8.4, al.3 prévoit expressément que toutes les parties doivent collaborer à la charge de la preuve. 

Dans le cadre de la responsabilité médicale, cela implique que les hôpitaux et les professionnels de santé doivent soumettre les rapports, courriers, comptes-rendus, protocoles opératoires, notes prises par le praticien et l'ensemble des éléments constituant le dossier médical du patient. 

Sans ce dossier médical, il est quasiment impossible de pouvoir faire la lumière sur ce qu'il s'est passé et, dès lors, évaluer si une faute a été commise ou non. 

La jurisprudence admet à cet égard que la faute peut ainsi être déduite de l'indigence d'un dossier médical. 

6. Et le secret professionnel? 

Il est aujourd'hui admis que le professionnel de santé est dispensé de respecter le secret professionnel lorsqu'il doit se défendre dans un procès où sa responsabilité est mise en cause. 

7. La faculté pour le juge de renverser la charge de la preuve

Il s'agit d'une nouveauté intégrée dans l'article 8.4, al.5 du Code civil. 

Dans certaines circonstances exceptionnelles, le juge pourrait décider de faire peser la charge de la preuve sur l'hôpital ou sur le professionnel de santé plutôt que sur le patient. 

Les travaux parlementaires précisent que cette faculté désormais offerte au juge ne peut s'appliquer que dans l'hypothèse où l'application des règles de base mènerait à une situation d'injustice flagrante (Doc. Parl., Ch repr., sess. 2018-2019, n°54-3349/001, p.14). 

Trois critères doivent être réunis : 

- le principe de subsidiarité : le juge doit explorer toutes les pises de la collaboration des parties à la preuve avant de décider de renverser la charge de celle-ci

- il faut des circonstances exceptionnelles comme la perte d'un élément de preuve, le refus de collaboration d'une partie ou le déséquilibre important dans l'aptitude à la preuve

- uniquement dans le cas où l'application des règles de base serait manifestement déraisonnable. 

8. Degré de preuve

Jusqu'à quel point faut-il prouver? 

Le principe se retrouve à l'article 8.5 du Code civil qui énonce que "Hormis les cas où la loi en dispose autrement, la preuve doit être rapportée avec un degré raisonnable de certitude".

Il ne s'agit donc pas d'une certitude à 100% ou d'une certitude scientifique. 

Il faut une conviction qui exclut tout doute raisonnable (Doc. Parl., Ch repr., sess. 2018-2019, n°54-3349/001, p.16). 

Il existe un tempérament à ce principe, repris à l'article 8.6 du Code civil : la preuve avec vraisemblance d'un fait négatif                                

"Sans préjudice de l'obligation de toutes les parties de collaborer à l'administration de la preuve, celui qui supporte la charge de la preuve d'un fait négatif peut se contenter d'établir la vraisemblance de ce fait.

La même règle vaut pour les faits positifs dont, par la nature même du fait à prouver, il n'est pas possible ou pas raisonnable d'exiger une preuve certaine".

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